Rappelons d’abord que mal jouer est une étape nécessaire pour apprendre à bien jouer ! Il est d’ailleurs beaucoup plus facile de jouer mal que de jouer bien (c’est comme ça). Par conséquent, essayons de comprendre rapidement comment jouer mal, afin de mieux jouer par la suite. Et puis, de toute façon, on l’aime bien Nicolas Cage, alors tout va bien.
Le surjeu : la recette du mauvais jeu
Il y a certainement de nombreuses façons de mal jouer, mais concentrons-nous sur le surjeu. Je surjoue quand je veux montrer de toutes mes forces au public l’émotion ou l’état dans lequel se trouve mon personnage, au lieu de la vivre réellement.
Par exemple, si tu joues Lucrèce Borgia, furax d’être humiliée par le peuple de Ferrare, tu vas taper du pied, croiser les bras et te fâcher tout rouge en criant très fort. C’est caricatural… et c’est exactement ce qu’on recherche pour mal jouer !
La recette est donc simple : tu te fais une idée préconçue de la manière dont ton personnage devrait réagir dans une situation donnée, puis tu reproduis sur scène cette image stéréotypée que tu as en tête. Pour Lucrèce, on comprend qu’elle est énervée, on se fait une image mentale d’une personne en colère (le bonhomme tout rouge qui crie fort), et on imite cela sur le plateau. Surjouer, c’est jouer sur le cliché plutôt que dans la vérité du moment.
Comment dépasser le surjeu ?
Bien sûr, le surjeu n’est qu’une étape. Pour aller vers un jeu plus juste, il faut maintenant dépasser ces stéréotypes de jeu forcé. Voici deux principes essentiels pour y parvenir :
1. Dans la vraie vie, je ferais quoi ?
Le problème du surjeu, c’est qu’il repose sur un stéréotype. Pour jouer juste, commence par analyser en détail la situation de ton personnage, comme si elle était réelle. Demande-toi : « Dans la vraie vie, je ferais quoi, moi ? »
Par exemple, Lucrèce Borgia peut-elle vraiment crier sans que ce soit interprété comme un signe de faiblesse qu’elle ne veut pas montrer ? La question se pose ! La réponse réside dans l’analyse du contexte et de la personnalité du personnage. On cherche la vraisemblance plutôt que le cliché.
(Super, maintenant je peux montrer de quel bois je me chauffe ! …Eh bien, non.) Comprendre la situation ne signifie pas qu’il faut en faire des tonnes pour le prouver sur scène. C’est une base, pas un feu vert pour surjouer.
2. Ne pas montrer mais être
Le problème, c’est qu’entre l’idée (même précise) que tu te fais de ton personnage et ce que cela rend sur scène, il y a souvent un monde. La réalité est complexe, et il est impossible de prévoir exactement comment tu te sentiras en jouant. Alors, comment faire ? Eh bien, il ne s’agit plus de montrer, mais d’être.
As-tu remarqué comme la comédie romantique de mercredi dernier t’a ému aux larmes ? Par un formidable effet de transfert, tu t’es identifié soudain au héros ! Pendant quelques instants, tu as cru à cette situation et tu l’as faite tienne. Sur scène, il faut recréer cette magie : il faut que le spectateur croie que ce qui s’y passe est vrai. Et pour qu’il y croie, tu dois être le personnage plutôt que de le montrer.
Être dans l’instant : cela signifie être pleinement présent, à l’écoute, et “fabriquer” le moins possible.
Quelques exemples pour jouer dans l’instant :
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Ton partenaire te parle ? Écoute vraiment ce qu’il dit et pense à ce que cela implique, dans le contexte où se trouve ton personnage.
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Tu sens que le public n’est pas attentif ? Récupère son attention.
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Tu as mal au ventre alors que ton personnage est énervé ? Sers-t’en : c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !
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Et si rien ne vient spontanément ? Ne force pas : pense, ressens… puis joue en fonction de ton état du moment.
Être le personnage : il s’agit ensuite de devenir un peu lui, par effet de transfert. Ton personnage se sent humilié, trahi, fou de rage ? Demande-toi quelle situation personnelle te ferait ressentir le même degré d’émotion. Peut-être que dans ton cas, ce n’est pas une foule qui se moque de toi (tu es au-dessus de ça), mais par exemple un collègue qui ignore ta question en réunion en feignant de ne pas t’entendre… Ouiii, ça, ça te rend dingue ! 😡 Utilise alors cette émotion que tu convoques par l’imaginaire (sollicite tes cinq sens). Que ta rage intérieure devienne celle du personnage sur scène !
Pour aller plus loin, la lecture de notre article « Comment apprendre un texte de théâtre efficacement ? » te sera très utile. 🤓 (Apprendre ton texte sur le bout des doigts t’aidera à être plus libre ensuite dans ton jeu.)
Conclusion
La recherche du jeu juste, de l’authenticité sur scène, est tout un art. C’est en travaillant le texte et en se l’appropriant qu’on parvient à s’approcher au plus près de cette vérité du jeu.
C’est justement ce que nous cultivons aux Apprentis du Jeu, notre école de théâtre amateur à Paris. 🎭 Destinés aux adultes comédiens amateurs (débutants comme intermédiaires), nos cours de théâtre amateurs à Paris offrent un cadre bienveillant pour explorer, se tromper, réessayer et progresser. En apprenant à lâcher le surjeu et à être vraiment dans l’instant, chaque élève peut développer un jeu plus juste et sincère. Au fil du temps, on n’a plus peur de mal jouer… et on finit par bien jouer ! 💫



